
Vivre dans la ville avec un handicap visuel
Paar Anita Lessard, journaliste – Sherbrooke info.
L’Association des personnes handicapées visuelles de l’Estrie a accueillit les élues Geneviève Hébert et Christine Labrie à une activité de sensibilisation. Les deux députés ont fait l’expérience de la réalité d’un piéton non-voyant. (Photo Sherbrooke.info – Anita Lessard)
HANDICAP. Traverser la rue est un geste bien banal pour la majorité des citoyens qui empruntent la voie publique à pied. L’histoire est toute autre pour une personne avec un handicap visuel. L’Association des personnes handicapées visuelles de l’Estrie (APHVE) a convié élus et médias à se prêter à cet exercice.
La première semaine de février, aussi nommée Semaine de la Canne blanche, a été instaurée afin de sensibiliser la population aux nombreux défis auxquels sont confrontés les non-voyants. L’APHVE est un organisme qui a pour mission de défendre les droits collectifs et d’améliorer la qualité de vie de cette clientèle. Chaque adaptation effectuée par les villes et les institutions pour faciliter le quotidien des personnes ayant un handicap est saluée, mais encore faut-il que ce soit fait avec diligence.
Pour mieux faire comprendre les enjeux de sécurité vécus par une personne aveugle, une expérience extrasensorielle lundi (3 février), a été organisée pour des personnes voyantes. L’activité consistait à traverser la rue, aux feux de circulation situés à l’intersection des rue Galt Ouest et Bèlvédère Sud, les yeux bandés, en se fiant uniquement aux signaux sonores. Les députées provinciales, Christine Labrie et Geneviève Hébert ont accepté l’invitation.
Après avoir reçu quelques directives pour s’orienter et utiliser une canne blanche, les deux élues se sont posté à l’un des feux de circulation et attendu l’avertisseur sonore pour entamer la traversée. Bien qu’accompagnées par des volontaires, les deux députées ont été à même de constater le danger bien réel auquel est confronté un marcheur non-voyant.
« Le plus angoissant c’est quand le son arrête avant que tu sois rendu, tu sait qu’il te reste un bout à faire encore, mais tu ne sens plus en sécurité, a constaté Christine Labrie. Le relief au sol, je l’ai trouvé essentiel en traversant puisque quand il n’y a plus de son, c’est la seule chose à laquelle tu peux t’accrocher pour être certain de te rendre de l’autre côté. »
UNE RÉALITÉ DIFFICILE À APPRIVOISER
Caroline Lambert en sait quelque chose. Cette ancienne inhalothérapeute au CIUSSS de L’Estrie a progressivement perdu la vue, ce qui a bouleversé sa vie et apporté de nouveaux défis.
« C’est facile de traverser une rue quand on a nos yeux. Pour ma part, ça fait 14 ans que je vis avec un déficit visuel. Je ne vois pas les lumières alors je ne sais pas quand traverser; je ne peux pas me déplacer seule si j’ai à le faire. Ce qu’on fait vivre à nos députées aujourd’hui, c’est pour qu’elles apportent ce message pour parler aux autres élus en notre nom », indique la dame de 58 ans. Consciente de la complexité qu’exigent des aménagements adaptés aux besoins de personnes dans sa situation, Mme Lambert pense aussi aux intersections moins achalandées, mais qui représentent tout de même un danger pour un non-voyant.
« Il y a beaucoup d’endroits où il n’y a pas de feux sonores, et ce n’est vraiment pas évident à traverser. Ça fait en sorte que les gens ne sortent pas de chez eux et perdent de l’autonomie. »
Le président de l’APHVE, Daniel Thauvette, croit que malgré plusieurs gestes positifs posés dans les dernières années, il y a toujours place à l’amélioration. « Avec les nouvelles technologies qu’il y a aujourd’hui, des choses pourraient être mis en place afin de faciliter les déplacements des personnes handicapées visuelles. »
Il ajoute que l’arrivée des véhicules électriques sur nos routes représente une autre source de danger non négligeable. « Une personne qui se fie au son pour se déplacer, espère que le conducteur sera attentif lorsque le feu sonore ne fonctionne plus. Or, avec une voiture qui ne fait pas de bruit, c’est pas mal moins évident. » Avec une accélération de l’électrification des transports, cet enjeu va s’imposer de plus en plus pour les non-voyants selon l’APHVE. Et à voir la réaction des volontaires qui ont tenté l’expérience dans les rues de Sherbrooke, il est fort à parier que les décideurs devront en tenir compte eux aussi.