57 ans d’amour et d’adaptation        

Paar Anita Lessard, journaliste – Sherbrooke info.

 

PORTRAITS. Sandra Riding et Jean-Paul Turgeon ont fait connaissance alors qu’ils fréquentaient la même université de Londres à la fin des années 60. Tous deux non-voyants, ils ont développé au fil des années, une relation construite sur le respect, l’écoute et l’entraide.

C’est alors qu’ils entamaient un baccalauréat au Royal National Institut for the Blind pour se former en physiothérapie, que le coup de foudre s’est produit. Remarquant que le Québécois n’était pas tout à fait à l’aise en classe, Sandra lui a offert son assistance. « Au début Jean-Paul était un peu perdu; il avait de la difficulté à comprendre l’accent, donc je l’aidais; puis c’est parti de là. Il était calme et très attachant », se remémore celle qui allait devenir Mme Turgeon. Débutât alors une belle histoire d’amour.

Une fois le Bac terminé, le couple choisit de quitter le pays de Shakespeare pour s’installer dans la Belle province afin d’élever leurs deux enfants. Originaire de Fontainebleau, Jean-Paul voulait se rapprocher de sa famille et après un bref passage à Montréal, Sherbrooke paraissait l’endroit idéal pour s’installer et y bâtir une carrière. Celui-ci a été à l’emploi de l’Hôtel-Dieu, puis du CIUSSSE pendant 35 ans à titre de physiothérapeute. 

Quant à Sandra, elle a choisi de rester à la maison pour s’occuper des enfants. Cela lui a permis de s’adapter doucement à sa communauté d’accueil tout en apprenant le français. Le fait d’avoir un handicap visuel ne l’a pas freinée dans sa gestion de la maisonnée, elle qui dit avoir pu compter sur son époux dans l’éducation quotidienne de leur progéniture.

« C’était ma place et ça m’a permis d’avoir beaucoup plus d’interactions avec les enfants. Ils ont commencé à parler très jeunes et ce qui m’a aidé dans mon apprentissage du français. J’ai tout appris « sur le tas », même de m’occuper des enfants; chose que je ne connaissais pas du tout, n’ayant pas eu de frères et sœurs! » explique celle-ci. « En aucun temps pour nous ça été compliqué d’élever nos enfants, renchérit Jean-Paul. Je ne me souviens pas avoir rencontré de problème à cause de notre handicap. Si c’est le cas, on n’en a pas été conscients, » ajoute ce dernier avec un sourire.

Lorsqu’on lui demande ce qui l’a séduite chez son mari, Sandra n’hésite pas à nommer sa générosité et son grand calme et elle a toujours apprécié qu’il soit en mesure de peser ses mots avant de se prononcer sur un quelconque sujet. Pour ce qui est de Jean-Paul la sociabilité et l’enthousiasme de sa belle ont tout de suite suscité son admiration. 

RESTER IMPLIQUÉS ET CURIEUX

 

Presque 57 ans plus tard, le couple, maintenant retraité, demeure complice et soudé. Leur quotidien est bien rempli malgré leur handicap visuel avec lequel tous deux vivent depuis le plus jeune âge. Musique, livres audio et tricot ne sont que quelques-unes des activités auxquelles ils s’adonnent dans leurs temps libres.

C’est surtout leur implication auprès de divers organismes qui garde les acolytes occupés. Ils sont actifs au sein de l’Association des personnes avec un handicap visuel de l’Estrie, organisme qui accompagne et informe les individus vivant avec la cécité. Mme Turgeon est également membre du Conseil d’administration de l’organisme Handi-Apte, qui travaille au maintien à domicile des personnes handicapées physiques et qui vise à favoriser leur participation dans la société. Ayant toujours une grande soif d’apprendre, ils ont aussi pris l’habitude de s’inscrire ensemble au cours offerts par l’Université du 3e âge à chaque session. Demeurer dans l’action est leur façon de se garder jeunes selon leurs dires.

Et le secret pour garder l’harmonie au sein de leur couple? L’humour, l’empathie et le dialogue.

« Souvent tu mets beaucoup d’eau dans ton vin. Sans ça on ne serait pas resté ensemble longtemps, » assure Jean-Paul. « Et aussitôt qu’il y a un accrochage, c’estest pas le temps de ramasser tes affaires et de partir. On essaie de régler ça! » complète Sandra.   Le fait de ne pas avoir l’usage de la vue ne semble donc pas avoir été un obstacle au bonheur ou à l’épanouissement de Sandra et Jean-Paul Turgeon. Preuve qu’il est possible de trouver le chemin d’une vie heureuse avec ou sans un handicap